Ma Mère et mes pères

Longtemps avant ma venue au monde, mère était belle et grande.
De jour comme de nuit, soleil ou pluie, elle débordait de beauté et de vie.
Un beau jour elle rencontra mes pères, les premiers contacts furent troublés,
Mais très vite, ils apprirent à se connaître et à s’aimer.
Plus vieille que ceux-ci, elle leur dévoila son savoir et sa perfection,
Remplis d’admiration, ils l’écoutèrent et la remercièrent pour ses attentions.

Longtemps avant ma venue au monde, mère était respectée de mes pères,
Mais au fil du temps, alors qu’ils étaient si simples, leurs intentions devinrent plus claires.
Leur envie d’apprendre s’était quelque peu tari, ils ne la gratifiaient plus pour ces faveurs,
Leurs intérêts s’adressaient maintenant aux richesses que mère avait apportée avec labeur.
La jalousie s’empara d’eux, convoitant les trésors qu’elle pouvait laisser à des étrangers,
Ils commencèrent à se battre, mère ne dit rien, et donna sans compter à ses hommes tant aimés.

Longtemps avant ma venue au monde, mère perdit le respect de mes ainés,
Leur soif de connaissance s’était transformée en ivresse, ils commencèrent à la maltraiter.
Le temps passa si vite que personne ne vit ce qui était arrivé.
Violée et défigurée, elle garda pour elle ses lamentations et ses souffrances qui lui avaient été infligées.
Ces hommes savaient pourtant à quel point elle avait été belle,
Mais ivres et impulsifs, ils lui volèrent peu à peu ce qui faisait d’elle quelqu’un d’exceptionnelle.


Aujourd’hui je suis née, j’ouvre les yeux, mais ne voit pas mère,
Elle est là quelque part, je le sais, je le sens, mais je ne vois que mes pères.
Pour la première fois je vois son visage, elle semble encore si innocente derrière ces cicatrices,
Devant la douceur qu’elle dégage, je demande à mes pères comment ils ont pu lui infliger ces sévices.
Quelque uns semblaient regretter, mais la folie de certains avait à jamais changée mère,
Elle qui était si belle et si vivante, jamais plus on ne la verra être fière.

Longtemps avant ma venue au monde, mère subissait déjà les tourments de la peur,
Aujourd’hui, ses larmes tombent sur mes joues et sur celles de mes frères et sœurs.
Elle qui nous à porté avec tant de peine en son sein, mais avec tant d’amour,
Nos pères ne voient-ils pas ce qu’ils lui ont fait endurer jours après jours.
Nous pleurons avec elle car nous savons qu’à leurs places, nous aurions fait la même chose,
Seules ses larmes pouvaient nous faire prendre conscience que sa vie n’était plus notre cause.

Longtemps avant ma venue au monde, mère était belle et grande,
Le jour comme la nuit, soleil ou pluie, elle débordait de beauté et de vie.
Aujourd’hui mes pairs regardent silencieux ce qu’ils ont fait, avec mes frères et mes sœurs,
Nous pleurons, espèces exterminées, forêts rasées, océans souillés, air pollué, terre éventrée.
Nous savons que Mère se meurt et constatons égoïstes,
Que nous la suivrons à cause de nos erreurs…




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